Episode 3 : Un moment partagé, une journée à St André

  A l’origine, je devais vous parler du pourquoi et du comment nous choisissons nos voiles, avec réactions à la clef de quelques uns d’entre nous. J’ai préféré différer celle-ci, et l’éditer une prochaine fois, pour vous évoquer un instant de vie, sans prétention. Pas d’exploit, de records, de voyage extraordinaire. Il s’agit très humblement d’une sortie entre amis, de ces petites échappées belles qui mettent des couleurs dans nos plates existences de rampants. En effet, n’oublions pas que le vol est une transgression en soi… Merci à Agnès pour les photos et à Seb pour la vidéo.

  Septembre, mois qui signifie la possibilité de faire des kilomètres aisément. Les conditions y sont souvent douces, confortables. Nous sommes donc 4 joyeux drilles en partance de Gap ce vendredi 13, prêts à en découdre. Même si je ne suis qu’un pioupiou du parapente, j’avoue avoir un peu les crocs ! Sont présents : Yves et son Aspen 4, Agnès avec sa Nevada couleurs océan, Seb est en mode Swift, et comme d’habitude, j’embarque avec ma fidèle Atlas. Nico G. et sa copine Alice doivent nous rejoindre sur place pour 10h. Enfin, c’est ce qui est prévu… Gégé et sa Montana vers 12h30/13h. Nous arrivons bientôt à destination quand mon véhicule se met à faire des bruits suspects et inquiétants. Vérification faite plus tard, grosse frayeur lorsque je constate que la roue arrière droite n’a plus que 400g de pression…

  Quelle merveille de se retrouver sur ce site ! Je ne tiens plus en place, une vraie pile, d’autant que la météo se présente bien : un peu de Nord et quelques cirrus sont annoncés, mais l’instabilité semble bien au rendez-vous car des cumulus allument les sommets de partout. Seb et Agnès semblent soucieux. Il y a de quoi faut dire. La réputation sulfureuse des lieux peut impressionner et il s’agit de leur première visite dans le chaudron du Haut Verdon. Un briefing carte en main, aidé par les conseils rassurants d’Yves, finit de nous mettre en appétit. Ca va donner. La montée en navette est rapide ou longue, c’est selon… Puis nous voilà au déco Ouest du Chalvet, où l’ambiance est cosmopolite :

 

 

 Je prends des nouvelles de Nico qui finira par nous rejoindre peu avant midi… Il me paraît être dans un grand jour ! A peine sur place, il s’affaire et s’excite comme rarement sur sa voile pour la vider de son sable, sable en provenance de… la Dune du Pyla. Puis il m’interpelle en me demandant si j’ai une paire de gants à lui prêter. Je lui propose volontiers ma deuxième paire. Bref, une arrivée de dernière minute avec deux heures de retard, les mains pleines de sable et rien pour les protéger en vol, du grand Nico vraiment. Mais c’est ce qui rend le jeune homme attachant… Sa copine Alice semble avoir prévu de rester en local. Ils paraissent partis pour faire un vol à deux. Yves, de son côté, va voyager seul, et c’est mieux ainsi. Il n’aura personne à attendre. Ceci me laisse le champ libre pour voler en compagnie d’Agnès et Seb avec qui nous avons prévu de faire route. Je les ai bien encouragés à m’accompagner sur cette journée. Aussi, du mieux que je peux, je tacherai de garder un œil sur eux. Le matériel est fin prêt quand les conditions sont en place :

 Midi passé, nous sommes nombreux à décoller. La meute est lâchée. Le premier contact avec la masse d’air est bon. Les thermiques sont tout en rondeur, les conditions très agréables. Nous voilà partis pour une séance de saute moutons en remontant plein nord sur la crête. La longue procession a à peine commencé qu’Yves est déjà hors de mon champ de vision. Je distingue Nico au raz des arbres. Par chance, une ascendance me cueille et me permet de me placer entre mes deux compagnons du jour. Seb a un peu d’avance, Agnès est juste derrière. Ca se présente bien, excellent. Mais je me demande où a bien pu passer Yves ? En radio : « Stf pour Yves, t’es où ? » « Je suis à 1500, sous les antennes ! » En fait, il est 900m sous mes pieds. Pour une fois que je suis au dessus de lui, la chose n’est pas courante. Premier point bas donc pour Yves qui en ressort à vitesse stratosphérique en me doublant furieusement dans le thermique suivant. Il faudra que je lui demande la recette. Malheureusement, peu de temps après, les ascendances peinent, c’est l’embouteillage. Du monde à droite, à gauche, dessus, dessous, dans tous les sens, je serre les dents. C’est stressant. Patience, ça va forcément ressortir. Le temps me paraît long, interminable. L’essaim de voiles se densifie encore jusqu’à ce que ça redémarre enfin. On enroule de concert tous les trois. Quand soudain, sans crier gare, un hurluberlu passe tout droit au beau milieu de la grappe. Il fait demi-tour, l’air distrait, puis paraît revenir dans notre direction. La gougeâtrie est à la hauteur de mes vociférations. L’imprudent finit par s’éloigner. Qu’il se mette en danger relève de sa responsabilité, mais par pitié, qu’il nous laisse en dehors de ses délires ! 2200, 2300 puis 2400, ça sort.

Je pars en direction de Lambruisse à 2500, pas mécontent de quitter cette horde de furieux qui m’entourent.

  Mes deux compagnons de route vont bien voir que je dégage le terrain. Réaction qui ne tarde pas, Agnès en radio : « Tu pars Stf ? » « Oui ! A 100 m près on était au plaf et ça suffit largement pour traverser. » Début de transition vers la montagne de Charvet. L’instant est magique. Le temps est suspendu. Nous naviguons pratiquement plume dans plume avec Agnès, et Seb nous suit juste derrière. « On bord with Seb » :

https://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=Xy5J4ZF_sfk#t=0

  Premier moment de calme en ce début de vol. Un rapide coup d’œil vers mes coéquipiers avant de profiter du paysage. Quelle splendeur, vraiment. Cette association de minéral et de verdure est un enchantement pour les yeux. Je savoure.

  Nous sommes au-dessus de Lambruisse quand les conditions commencent à se dégrader. Les cirrus s’épaississent. La masse d’air se désorganise. Tant bien que mal, nous arrivons à nous maintenir sur la crête. Yves en radio : « Je fais demi tour, ça me saoule ! ». A ce moment précis, je ne sais pas exactement où il se trouve, mais de demi tour, ce renard des airs ira faire un crochet jusqu’au Sarpet puis un autre jusqu’à Chamatte, avant d’atterrir. Beau petit périple pour quelqu’un qui ne semblait pas se faire plaisir…

   Le Nord paraît rentrer davantage. Le vol s’anime. Les thermiques sont hachés menu. Nombre de pilotes rendent la main. Thorame, Lambruisse, ça pose un peu partout. Quelques voiles sont encore sur le Cheval Blanc. Seb et Agnès préfèrent se vacher. J’attends… pour finalement trouver et me laisser dériver dans une bulle pliée par les coups de boutoir du vent forcissant. Bon gré mal gré, je tire bouchonne le truc que je finis par perdre vers 2200. Tant pis, je tente la transition vers Coste Longue. Après un thermique salvateur en milieu de vallée dans lequel je fais quelques tours, une confluence me scotche au plafond sans faire le moindre virage. St André et son aérologie ensorcelante… Au-dessus de l’extrémité sud de Coste Longue, je pars vent arrière, en direction du Cordeil. Pendant la traversée, j’entends en radio : « Yves pour Nico, où est-ce-que t’as mis tes clefs de voiture? ». Réponse : «  heu… j’les ai gardées sur moi… » Du très grand Nico je vous assure, alors qu’il est posé non loin des antennes avec sa douce…

  Pendant ce temps, mon GPS affiche des données dont je n’ai pas l’habitude, 60km/h sans accélérer. C’est nouveau pour moi. Enfin, quelques transitions plus loin, et après un léger passage sous le vent, je finis par atterrir près d’Allons. Tout juste posé, je téléphone à Yves pour lui signaler ma position. « Qu’est-ce que t’es allé te mettre là-bas !? » En fait, il vient de plier, m’indique qu’il est au bar… et qu’il vient me chercher avec ma voiture. Trop top sur les récups !

  Après une lutte sans merci avec quelques sauterelles locales, j’ai pratiquement mon sac bouclé quand une dame s’arrête d’elle-même afin de me ramener. Les ballades aériennes, c’est aussi la joie des rencontres de généreux individus prêts à vous rendre service en vous accueillant d’un large sourire. Lors de la descente sur St André, nous croisons Yves, qui n’en perd pas une miette pour taper la causette pendant mon changement de véhicule.

  Retour à la case départ. Nico et sa chérie sont vautrés dans l’herbe, profitant du soleil à boire des bières, en compagnie de Gégé qui n’a pas pu voler. En effet, il est arrivé trop tard au déco, les conditions avaient forci. Je prends des nouvelles par téléphone d’Agnès et Seb. Le stop ne fonctionne malheureusement pas. Ils sont toujours coincés à proximité de la vallée de Lambruisse. Un aller-retour en voiture, nous voilà tous réunis. Malgré leur marche forcée, Agnès et Seb sont radieux, contents d’avoir découvert ce coin de paradis.

  La pose est finie. Gérard et notre couple d’amoureux remontent au déco, conduits par Yves, pour un vol du soir. C’est l’occasion pour le reste de la troupe de profiter de la fin de journée par une séance de gonflage :

  Le quatuor de nouveau réuni, voiles pliées, sans signes de désapprobation de la part de mon break, nous rentrons silencieusement dans nos logis respectifs, fin de la parenthèse…

Ainsi va la vie du club… Vivement le printemps prochain !!!

 

 

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.