Par Fred Nabet
Je fais suite à l’excellent article de Stéphane sur la peur en parapente. Je voulais apporter quelques éléments sur le sujet, qui me sont venus en tête après sa lecture.
Je parlerais d’après mon expérience et mon vécu, et de mes solutions pour faire face au mieux à la peur qu’on peut éprouver parfois en vol.
Tout d’abord, je tiens à dire qu’on a tous peur en parapente, à un moment donné ou a un autre. Ce n’est pas réservé aux débutants ou aux pilotes peu expérimentés. Je me suis personnellement fait bien peur 2 ou 3 fois au cours de cette saison, et ça m’a laissé des séquelles : baisse de motivation pour aller voler, inconfort pendant les vols, doutes sur ma capacité à gérer des incidents de vols et vols écourtés parce que pas assez à l’aise pour continuer. Je pense que j’ai digéré l’incident, mais ça m’a fait mettre le doigt sur un point : je n’ai pas envie de voler dans des conditions trop fortes, qui vont justement provoquer ma peur. J’ai envie de garder de grandes marges de sécurité, et je dirais que plus je vole plus mon exigence de sécurité s’accroît. Après tout, vouloir faire du parapente longtemps, sans JAMAIS se faire le moindre bobo est un objectif tout aussi louable et gratifiant que de vouloir battre des records de distance. D’ailleurs, je pense qu’au moins 80% des grands vols de distance sont réalisés dans des conditions tout à fait tranquilles et accessibles à tous.
Mais voilà, le fait est qu’on sera forcément un jour ou l’autre confronté à « la baston ».
1er cas figure : c’est fort, mais ça reste volable : thermiques forts, cisaillements, mais le vent n’a pas forci, les autres restent en l’air.
Il faut donc savoir insister un peu, peut-être que ça va s’améliorer par la suite. Pour ne pas prendre de risque, je vais donc m’éloigner un peu du relief, me redresser dans la sellette, prendre appui avec mes avant-bras sur les élévateurs pour ne pas trop me faire chahuter, ou même carrément tenir tous mes élévateurs à pleine main près des maillons. Je garde l’accélérateur à portée de pied mais si je ne le sens pas je n’accélère pas. Ensuite j’essaye de me rassurer et de me calmer : je suis loin du relief, pas de risque de retour à la pente, et j’ai du gaz : avec 500m, j’ai tout le temps de rattraper un gros sketch, voire de faire secours dans le pire des cas. D’ailleurs je pose ma main sur la poignée 2 ou 3 fois sans la regarder, à l’instinct.
Puis je me dis qu’il faut sortir de là ; la solution passe souvent par le haut : il faut choisir son thermique et ne pas le lâcher, l’enrouler, le suivre dans sa dérive, bien écouter son vario, gagner des mètres petit-à-petit, le recentrer. En général en montant on se sent mieux : on s’éloigne des reliefs de leurs turbulences, on a une vision plus claire de l’itinéraire, j’ai plus de choix pour m’échapper si besoin.
2ième cas de figure : ça n’est plus volable : le vent forcit, arrivée de l’orage, il faut poser impérativement, mais je suis déjà pris dans du vent très fort, je suis ballotté dans tous les sens. DANGER !
Là je m’écarte carrément du relief, et je vais là où c’est le plus plat et ouvert tant que c’est possible. Je ne touche plus à l’accélérateur. Tant que j’ai encore du gaz je pars vent de cul pour trouver des terrains dégagés, grands, avec le moins d’obstacles. Je me positionne AU VENT du terrain. Je me redresse, assis, bien gainé, les mains qui tiennent les élévateurs, je me contente de garder le cap et d’éviter les fermetures. Je fais attention à garder de la vitesse pour éviter un décro dynamique sur une rafale de vent de face.
Mentalement, il ne faut rien lâcher, ne jamais se dire que c’est perdu, qu’on va mourir, et se laisser ballotter au gré du vent. Au contraire, dites-vous que vous allez y arriver, qu’il faut juste tenir les 5 prochaines minutes sans fermeture en restant dans l’axe du terrain face au vent : vous savez bien faire ça non ?
À peine les 2 pieds posés, je me retourne, j’affale la voile et j’avance vers elle.
Maintenant vous pouvez vous relâcher et jurer vos grands dieux qu’on ne vous y reprendra plus….
Un dernier point concernant l’entraînement à voler dans des conditions fortes. La réponse classique c’est bien sûr de passer des heures en l’air. J’ajouterais un deuxième exercice pour bien prendre confiance dans son aile, dans ses capacités, et pour lutter contre le stress. Je sais que beaucoup sont allés faire un SIV et qu’ils ont fait des décros au-dessus du lac. Eh bien il faut continuer tout seul maintenant : prenez du gaz à la Croupe, 700m au-dessus du sol c’est facile, et allez ! décro ! et un deuxième, un troisième ! jusqu’à ce que le petit pincement au cœur qui précède ce genre d’exercice disparaisse.
Là, vous êtes fins prêts pour affronter le gros temps en toute sérénité !
Bons vols !